Le projet de Loi Travail n’a été modifié qu’à la marge #LoiTravailNonMerci

Les changements apportés le 24 mars lors de la commission des affaires sociales sont limités et ne vont pas tous dans le bon sens

Quelques reculs limités qui ne sont pas, pour autant, des « avancées sociales »

– Réintroduction de l’intervention de l’inspecteur du travail pour le passage de 8 heures à 10 heures et de 38 h à 40 heures de la durée maximale de travail des apprenti.

– Suppression de la possibilité de n’accorder au minimum qu’une journée de congé en cas de décès du conjoint ou d’un enfant d’un salarié.

– Obligation d’un accord de branche pour pouvoir, ensuite, par accord d’entreprise, faire un décompte des heures supplémentaires sur 3 ans 

– Retour à la possibilité, au moyen d’un accord, de faire travailler les salariés d’une entreprise 46 heures (en moyenne) pendant 12 semaines et non pendant 14 semaines

 

Des reculs annoncés n’ont pas eu lieu

– L’article plafonnant les indemnités prud’homales en cas de licenciement abusif, a été retiré. Mais un décret a été annoncé par Manuel Valls pour transformer ces plafonds en un barème indicatif, qui finira par s’imposer comme jurisprudence.

– Le recul annoncé sur la définition du motif économique de licenciement n’a pas eu lieu. Les critères sont maintenus par l’article 30.

 

De nouveaux reculs ont été, discrètement, intégrés au texte

– Un accord d’entreprise qui ne respecterait pas les règles de négociation ne serait pas pour autant frappé de nullité dès lors « qu’est respecté le principe de loyauté entre les parties ».

– La condition de majorité pour les accords collectifs passe de « au moins 50 % » à « plus de 50 % ».

– La possibilité pour un employeur d’obtenir un accord d‘entreprise par le biais d’un salarié mandaté est étendue à tout le champ du droit du travail.

– Les contrats de travail en cours pourraient être rompus et non plus transférés quand une entreprise de plus de 1000 salariés transférerait une ou plusieurs entités économiques dans le cadre d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

 

Les amendements retenus par la commission des affaires sociales sont, eux aussi, limités et ne vont pas tous dans le bon sens

1053 amendements ont été déposés et 365 ont été retenus par la commission des Affaires sociales.

L’allongement de la protection des mères à l’issue de leur congé maternité, de 4 à 10 semaines, constitue l’une des très rares avancées sociales des amendements retenus.

La possibilité, pour les entreprises de plus de 300 salariés, de conclure un accord de branche fixant une durée inférieure à 4 trimestres pour déterminer l’existence de difficultés économiques est supprimée.

Il ne s’agit pas pour autant d’une « avancée sociale », mais de la limitation d’un recul puisque les critères permettant à une grande entreprise de licencier restent toujours aussi favorables aux entreprises. L’article 30 modifié a même ajouté un critère supplémentaire : la baisse de l’excédent brut d’exploitation.

Le Compte personnel d’activité, malgré tous les efforts pour lui donner une apparence de contenu reste une coquille désespérément vide.

Si le projet de loi El Khomri était adopté, les quelques mesures prises en faveur de la jeunesse seraient loin de compenser la dégradation des emplois auxquels ils espèrent, un jour, pouvoir accéder,

La « protection » apportée aux PME par l’article 30 modifié par la commission des Affaires sociales, constitue une attaque d’une incroyable violence contre les salariés de ces entreprises.

En effet, il suffirait d’un trimestre de baisse de son chiffre d’affaires ou de son carnet de commandes pour que les salariés d’une entreprise de moins de 11 salariés puissent se voir imposer des licenciements économiques.

Ces salariés, même avec un CDI, deviendraient des salariés « jetable ». Pire, avec l’article 29 bis modifié par la commission des Affaires sociales, les entreprises de moins de 50 salariés seraient encouragées à licencier puisqu’elles pourraient constituer, dans cet objectif, une provision annuelle qui viendrait diminuer leur bénéfice imposable.

 

L’essentiel du projet de loi El Khomri, l’inversion de la hiérarchie des normes, reste inchangé

L’entreprise est le lieu où les salariés sont les plus vulnérables face à un chantage à l’emploi pour les obliger à accepter un plan de licenciement, une augmentation de leur temps de travail ou une diminution de leur salaire horaire.

Lorsque Myriam El Khomri affirme que son projet de loi a pour objectif de faciliter la négociation, elle dit une contre-vérité, car rien n’empêche, aujourd’hui, la négociation. L’objectif du projet de loi est tout autre : supprimer ce qui actuellement protège les salariés.

Le droit actuel offre aux salariés une double protection : l’accord d’entreprise doit être plus favorable aux salariés qu’un accord de branche et un accord de branche ou d’entreprise doit être plus favorable aux salariés que la loi.

 

La structuration en trois paragraphes de nombreux articles du projet de loi supprime ces deux protections.

Le 1er paragraphe définit « l’ordre public ». Il est réduit à des généralités qui n’ont aucun impact pratique. La loi cesse donc de protéger le plus faible.

Le 2ème paragraphe définit « le champ de la négociation collective ». Il donne une place centrale à l’accord d’entreprise qui l’emporte sur l’accord de branche. Ce dernier n’existe qu’« à défaut » d’un accord d’entreprise.

Le 3ème paragraphe définit « les dispositions supplétives ». Elle reprend, en partie, les dispositions du Code du travail actuel. Ce qui permet à Manuel Valls de prétendre que le projet de loi est écrit à « droit constant ». Mais ces dispositions supplétives s’appliquent uniquement quand il n’y a pas d’accord d’entreprise ou, à défaut, d’accord de branche.

Myriam El Khomri affirme que la loi continue à l’emporter sur l’accord d’entreprise ou l’accord de branche. Mais elle oublie de préciser que loi continue à l’emporter sur l’accord d’entreprise et l’accord de branche qu’à la condition qu’il n’y en ait pas…

C’est pourquoi le projet n’est pas amendable, il faudrait réécrire complètement presque chaque article du projet de loi.

 

Deux questions importantes restent sans réponses :

 

Qui contrôlera l’application des accords d’entreprise ?

Ce n’est pas l’inspection du travail, car elle n’est pas habilitée à vérifier l’application des accords d’entreprise ou de branche. Elle ne le pourrait pas, de toute façon. Il y a 1,6 million d’entreprises, mais seulement 535 inspecteurs du travail et 1 170 contrôleurs du travail. Or, avec le rôle central donné à l’accord d’entreprise, le projet de loi El Khomri créerait un droit du travail différent dans presque chaque entreprise.

 

Si le projet de loi El Khomri était adopté, il resterait 70 % du Code du travail à réécrire : comment les salariés pourraient-ils faire entendre leurs voix ?

Les attaques contre les salariés ne manquent pas pour les 30 % concernés par la réécriture de cette première partie du droit du travail. Il n’est pas difficile d’imaginer, une fois le projet de loi El Khomri adopté et la « nouvelle architecture des règles » validée, combien les attaques contre le salariat se multiplieraient, sans que les salariés aient la moindre possibilité de s’y opposer. Le Medef s’en donnerait à cœur joie.

 

source : http://www.democratie-socialisme.org

 

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