Le Premier ministre Edouard Philippe vient d’annoncer la réforme du « Compte personnel de prévention de la pénibilité » en transformant celui-ci en simple « compte de prévention ».
Entré en vigueur par étapes depuis 2015, le compte pénibilité permet aux salariés du privé occupant un poste pénible de se voir attribuer un compte alimenté en fonction de leur exposition à 10 critères (travail répétitif, horaires décalés, charges lourdes, températures extrêmes…), compte dont pouvaient se servir les salariés pour financer des formations professionnelles, un temps partiel sans perte de salaire ou partir plus tôt à la retraite.
Actuellement, le compte pénibilité est financé par deux taxes : une cotisation « de base » de 0,01% des rémunérations acquittée par toutes les entreprises et une seconde « additionnelle », fixée à 0,2% pour les employeurs ayant exposé au moins un de leurs salariés à la pénibilité au-delà des seuils (et 0,4% pour plusieurs critères).
En 2016, sur le format du compte à 10 critères, quelque 797.000 personnes ont été déclarées par leurs employeurs dans cette situation de pénibilité. La Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) évoquait un potentiel de 2,6 à 3 millions de salariés.
Au delà du changement de nom, ce sont deux modifications de grande importance qui interviennent :
– le financement de la pénibilité ne sera plus à la charge de l’entreprise mais intégré à la branche accident professionnel de la sécurité sociale
– quatre critères de pénibilité sont supprimés et le départ à la retraite anticipé devient conditionné au diagnostic d’une maladie professionnelle invalidante
La question du financement est central. En effet, alors que le gouvernement dénonce régulièrement le niveau de dépense de l’Etat, en y intégrant la protection sociale, il se refuse à appliquer à la prévention le principe du « pollueur–payeur ».
Cela risque de condamner à terme ce dispositif en faveur des salariés et de mener au déficit la seule banche excédentaire de la sécurité sociale. L’esprit de la réforme qui reconnaissait que la charge de la maladie revenait à l’entreprise et non au salarié est ainsi remis totalement en cause.
La suppression des quatre critères dénoncés par le MEDEF (les postures pénibles, le port de charges, les produits toxiques et les vibrations) est une profonde remise en cause des questions de pénibilité. Si cette réforme était adopté, il faudrait dorénavant être malade et non plus exposé au risque pour bénéficier d’un départ anticipé.
Le compte pénibilité reconnait une réelle prévention de la pénibilité pour des millions de Français qui en subissent durablement les conséquences, avec Macron et Philippe qui le détricote, c’est une victoire pour le patronat.
Ce gouvernement montre une fois de plus son ancrage à droite, tant dans l’approche idéologique des problèmes que dans les solutions proposées.
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